Clarika a ce talent rare de pouvoir faire passer son auditeur par toutes les émotions. Sans emphase, le plus naturellement du monde. « J’écris mes chansons au fur et à mesure. Elles sont toujours le reflet d’un moment donné. Je n’ai pas de chansons d’avance. Elles sont donc parfois très ouvertes et superficielles, parfois très introspectives. Elles sont ce que je suis dans la vraie vie. » Ce huitième album en est son expression intense.
Il s’ouvre sur un instrumental, composé par Florent Marchet avec qui elle a composé l’album. « Je voulais une belle entrée en matière. Il n’y a pas de mot. Chacun y met la profondeur qu’il veut pour rentrer ensuite dans les textes et les chansons. » Et quelles chansons. Même pas peur sorte de mantra, de Parole enfantine de celle qui se bat dans un monde anxiogène, mais reste déterminée à avancer, répond à Venise, un voyage manqué dans la capitale de l’amour, un duo avec le Québécois Pierre Lapointe.
Surtout, avec l’apport du guitariste François Poggio (Étienne Daho, Pony Pony Run Run…), le trio qui a conçu cet album, explore et expérimente.
Comme un écho à l’album de 2008« Il y a vraiment eu un échange, Florent s’est mis au service du texte. J’avais collaboré avec lui sur l’album Moi en mieux (2008) et je savais qu’on pourrait aller dans la même direction très vite. Cela a été un laboratoire d’idées, d’arran- gements, de couleurs… un travail vraiment affiné qu’on a remis plusieurs fois sur l’ouvrage. »Des chœurs, des petites incises, des trouvailles sonores, différentes ambiances, rythmes…
L’album se conclut sur L’Azur, une chanson qui vient en écho à Bien mérité, sortie il y a dix ans sur l’album déjà coréalisé avec Florent Marchet. Elle y racontait son questionnement d’être née en France, sous une bonne étoile face à ceux qui étaient « nés sous les bombes », qui ne sont pas nés « du bon côté de la mappemonde ».
En 2019, alors que des réfugiés continuent de mourir en Méditerranée, elle raconte avec acuité tout ce qu’on a mis de côté. « C’est Florent (Marchet) qui l’a écrite principalement. Je ne l’aurais pas écrite de la même manière, mais il a trouvé cet axe assez frontal » qui fait ressurgir la photo du petit Aylan, mort sur une plage de Méditerranée. Cette image avait beaucoup circulé à la une des journaux et sur les réseaux sociaux. « J’avais envie qu’on comprenne ce qui était lié. » Rappeler les hommes derrière les chiffres, les cartes, les bateaux perdus en mer ou la réalité à Calais.
A la lisière ne compte que onze titres. Mais autant de chansons dans lesquelles on peut se plonger et replonger. Surtout, l’album est taillé pour la scène. Un art où, là aussi, Clarika excelle.